DOLOMIES

DOLOMIES
DOLOMIES

Une dolomie est une roche sédimentaire formée principalement par le minéral dolomite , carbonate double de calcium et de magnésium.

Depuis quelques décennies, des dolomies de formation récente ont été décrites dans des milieux variés, presque toujours sursalés, sans qu’on ait pu prouver que la dolomite puisse précipiter directement. Il semble plutôt que ce minéral résulte de la transformation de formes minérales instables ou métastables: calcites riches en magnésium, sécrétées par de nombreux organismes, ou aragonites d’origine organique ou chimique. Un autre type de dolomies résulte de la transformation plus tardive de sédiments carbonatés sous l’influence de saumures; cette dolomitisation diagénétique est souvent contrôlée par la tectonique et peut engendrer des corps dolomitisés de forme complexe, indépendante de la stratification. Dans les temps anciens, des conditions physico-chimiques différentes des conditions actuelles ont pu permettre la formation de dolomies de précipitation directe.

Le minéral «dolomite»

La dolomite, du nom de l’ingénieur français D. Dolomieu, est un carbonate cristallisant dans le système rhomboédrique. Sa formule, CaMg(CO3)2, correspond à un rapport molaire Ca/Mg = 1 (soit un rapport pondéral Ca/Mg = 1,648). Les indices optiques extrêmes sont 1,500 et 1,679 et la densité 2,86, mais la présence de Fe2+ à la place de Mg2+ peut augmenter considérablement ces valeurs. Le produit de solubilité semble se situer au voisinage de 10-17. Malgré cette faible solubilité et bien que la dolomite soit stable dans les conditions naturelles, personne n’a réussi, jusqu’à maintenant, à la synthétiser à température et pression de C2 normales. D’ailleurs on ne connaît pas avec certitude de dolomite récente de précipitation directe. Il est même improbable que l’on en découvre ayant précipité en l’absence de saumures à rapport Mg/Ca très élevé. À partir de l’eau de mer, même concentrée, c’est le carbonate de calcium, en général l’aragonite, qui précipite en éliminant une partie des ions C32-. À des pressions de C2 plus basses que la normale, un carbonate de magnésium hydraté peut coprécipiter avec l’aragonite; ce binôme métastable pourra se transformer en dolomite, certains organismes jouant le rôle de catalyseurs Par contre, beaucoup d’êtres vivants, en particulier les algues calcaires et certains invertébrés, sécrètent de la calcite contenant en solution solide du carbonate de magnésium (fig. 1). Ces calcites, riches en magnésium, sont instables, comme le montre la courbe de la figure 2 qui schématise la répartition d’échantillons de carbonates paléozoïques en fonction du pourcentage en MgC3: il n’existe que très peu de carbonates intermédiaires entre des calcites très pauvres en magnésium et de vraies dolomites, alors que beaucoup de calcites organiques actuelles sont riches en magnésium. Ces dernières ne peuvent donc évoluer que par transformation en dolomite ou en calcite pauvre en magnésium; elles libèrent, dans ce dernier cas, des ions Mg2+ qui augmentent le rapport Mg/Ca des eaux interstitielles, ce qui peut favoriser des dolomitisations secondaires.

Typologie génétique des dolomies

On appelle en général dolomie une roche (en anglais dolomite ou, selon une terminologie plus récente, dolostone ) qui contient plus de 50 p. 100 de carbonates avec un rapport pondéral dolomite/calcite supérieur à l’unité. Toutes les combinaisons entre calcaires et dolomies plus ou moins chargés en éléments détritiques sont connues. La figure 3 schématise la terminologie habituellement adoptée.

Dans la nature actuelle, la dolomie paraît presque toujours résulter d’un remplacement (dolomie «secondaire»), mais ce remplacement peut être très rapide, ce qui autorise à classer les dolomies en trois groupes: les dolomies syngénétiques (ou pénécontemporaines), les dolomies diagénétiques et les dolomies épigénétiques (tardives).

Les dolomies syngénétiques

De formation récente, elles se répartissent dans trois types de milieux: le milieu marin franc, le milieu littoral et le milieu continental.

En milieu marin, et si l’on exclut le cas très particulier des dolomies d’origine détritique qui résultent du dépôt de matériel dolomitique arraché aux continents, l’accumulation de tests ou de débris d’algues riches en magnésium peut évoluer, tout particulièrement dans les mers chaudes, en gisements dolomitiques d’extension restreinte. Mais c’est dans le cœur des atolls ou des barrières de récifs que l’on trouve les gisements les plus considérables de dolomies pénécontemporaines (fig. 4); la dolomitisation n’apparaît jamais qu’à une certaine profondeur, souvent au voisinage de 200 mètres, et se fait aux dépens de l’aragonite et de la calcite riche en magnésium; la transformation demanderait soit un milieu suffisamment confiné pour que le pH atteigne des valeurs élevées, soit la percolation de solutions enrichies en magnésium par l’évaporation des eaux marines à l’abri des récifs.

Sur certains rivages des mers chaudes (Bahamas, golfe Persique), il y a formation de dolomite dans les sédiments de la marge intertidale, là où une évaporation intense alterne avec des épisodes d’ennoyage marin. Les eaux interstitielles s’enrichissent en sels et atteignent un rapport Mg/Ca considérable qui permet la dolomitisation rapide des carbonates: plus de 150 centimètres de dolomie se sont formés en moins de 5 000 ans sur plusieurs centaines de kilomètres carrés des côtes de l’île Andros, aux Bahamas.

Dans les lagunes salées, l’évaporation conduit à la précipitation du carbonate de calcium puis du gypse, ce qui élimine les ions Ca2+. Les saumures résiduelles très riches en magnésium dolomitisent les calcaires précédemment déposés: le gypse de tels bassins ne contient en inclusion que de la calcite, ce qui confirme que la dolomitisation est postérieure à la précipitation du gypse.

En milieu continental, des dolomites ont été décrites dans des bassins lacustres, en général salés, et dans les dépôts de playa et de sebkha. Des dolomies d’exsudation se rencontrent dans les croûtes carbonatées des zones semi-arides.

Les dolomies diagénétiques

Elles résultent du remplacement d’ions Ca2+ par des ions Mg2+ dans des formations anciennes au cours de la compaction et sous l’influence d’eaux d’imbibition en transit. La dolomitisation peut affecter totalement certains bancs de sédiments carbonatés, mais elle peut aussi se localiser le long de surfaces de discontinuité stratigraphique.

La dolomitisation secondaire est souvent un processus sélectif remplaçant tantôt la matrice seule, tantôt les seuls fragments organiques; ce processus semble contrôlé par la nature du carbonate, l’aragonite se transformant plus volontiers que la calcite. La nécessité d’obtenir un arrangement rigoureusement ordonné des ions Ca2+ et Mg2+ conduit à attribuer au facteur temps une importance considérable, tout au moins aux basses températures.

Les dolomies épigénétiques

Elles sont formées par des remplacements de calcaires dans des zones privilégiées, localisées au voisinage de structures nées postérieurement aux dépôts, comme des diaclases ou des failles: un contrôle structural guide leur formation. Les masses dolomitiques ainsi créées sont difformes et leur dégagement par dissolution différentielle sous l’influence du ruissellement conduit à une topographie ruiniforme souvent pittoresque (Montpellier-le-Vieux dans les Causses, paysages classiques des Dolomites en Italie). Ces dolomies sont souvent associées à des gîtes métallifères, en particulier du type Pb-Zn, ce qui fournit de bons arguments à opposer aux partisans trop exclusifs de l’origine hydrothermale de ces gîtes.

Le problème des dolomitisations anciennes

La formation des dolomies actuelles dans des sites originaux très localisés ne paraît pas fournir tous les modèles adéquats pour expliquer les grandes formations dolomitiques du passé géologique.

À une échelle plus vaste que celle de l’époque actuelle, on retrouve certains des types précédents. C’est ainsi que la plupart des récifs anciens sont dolomitisés et que tous les grands bassins salins comportent des sédiments dolomitiques qui se situent toujours entre les sédiments détritiques et les couches de gypse et d’anhydrite, dans les séquences verticales comme dans les séquences horizontales. Dans ces bassins épicontinentaux, les bancs dolomitiques les plus épais se placent dans les zones les plus proches des mers ouvertes qui fournissaient l’eau évaporée sur les plates-formes; or ce type de bassins d’évaporation n’existe pas à l’époque actuelle mais est bien représenté à toutes les époques de transgression généralisée des mers. Par contre, les dolomies constituent la presque totalité des sédiments carbonatés les plus anciens. Les raisons de cet abaissement historique du rapport dolomies/calcaires ne sont pas claires. On pourrait penser que la dolomitisation est plus poussée dans les formations anciennes du simple fait de leur grand âge et parce que leur histoire est plus complexe. Mais il faut aussi tenir compte des modifications des conditions physico-chimiques à la surface de la Terre; le rôle de la biosphère y est déterminant, par exemple dans l’évolution du rapport C22 dans l’atmosphère. Les quantités relatives des divers ions contenus dans l’eau de mer ont également subi des variations en fonction des contrastes climatiques qui règlent le mode et l’activité de l’érosion, ainsi qu’en fonction des types de dépôts marins qui sélectionnent tantôt les carbonates, tantôt des sulfates ou les chlorures. Il est alors probable que la pression en C2 fut sensiblement plus forte et que le rapport Mg/Ca s’est souvent modifié; au rythme actuel des apports fluviatiles, la totalité du magnésium contenu dans les océans (17 憐 1014 t) serait fournie par les fleuves en 20 憐 106 années. Il n’est donc pas exclu que les vieilles dolomies aient pu précipiter directement (dolomies «primaires») dans des conditions très différentes des conditions actuelles.

Importance pratique

La dolomitisation s’accompagne d’une réduction de volume qui provoque une porosité secondaire de fracture, faisant des dolomies de bonnes roches réservoirs ; leur association fréquente à des évaporites et à des sédiments argileux en fait d’excellents pièges à hydrocarbures, recherchés par les compagnies pétrolières.

Les dolomies sont utilisées comme pierre à bâtir, mais surtout dans l’industrie chimique: composés magnésiens, ciments, verrerie, engrais.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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